LA CORDONNERIE

Cet animal en voie de disparition est né aux échos de la libération, en septembre 1946 dans une famille modeste. Sans doute que le bonheur de la fin de la guerre fit sortir les fées de leur terrier. Elles vinrent se pencher sur le berceau du petit Bernard et lui donnèrent quelques dons. Outre le talent de travailler et d’aimer le cuir ; elles lui offrirent la joie de vivre, l’humour, le franc parler, la curiosité, la modestie, la tenacité et le courage.

À quinze ans en 1961 Bernard Calbry après une scolarité sans histoire commence sa vie d’homme comme apprenti- sellier- maroquinier. Le cuir est déjà une passion. Il devient ouvrier en 1965.

En 1970, à 24 ans, il quitte le métier pour entrer chez les fonctionnaires : Chèques postaux et PTT. Famille oblige.

En 1974 il devient ouvrier d’état aux Télécommunications : Le dernier sellier des Télécoms !

Il y fabrique les sacoches des facteurs et les housses des pneumatiques jusqu’en 1982, l’année où il quitte définitivement les fonctionnaires, mais en tant que Maître Ouvrier.

Ses classes donc faites, par un détour étrange aux PTT, il ouvre enfin sa boutique :

Juste une enseigne, pas de vitrine et une température de –12 ° cet hiver là. Celui de 1985.

Bernard Calbry Sellier-Maroquinier 48 rue de Turbigo.

C’est là où il officie encore aujourd’hui mais de l’autre côté de la porte cochère. Là où il y a une grande vitrine et le triple de la surface.

Cental crépins

Cordonnier- Sellier-Maroquinier

48 rue de Turbigo 75003 Paris

Cordonnier oui. Enfin ! Car, Cordonnier, il ne l’est devenu que plus tard, par la force des choses ou plutôt par la force des demandes répétées de ses clients. Bernard répare toujours, avec autant d’amour de son art, les sacs, selles de chevaux, de motos, blousons et autres maroquineries mais il transforme, répare et crée aussi sur des chaussures. Jean-Paul Gaultier, lui-même, ne s’y est pas trompé lors de son défilé en 2009 où il demande à Bernard un modèle de sabot très particulier pour ses mannequins. « Une petite galère mais le pied quand c’est fini » dixit monsieur Calbry.

En 2000- 2001-2002 il crée les collections de chaussures de Jean Colonna. « Un régal d’homme » d’après Bernard. Car il faut aussi savoir que Bernard choisit ses clients et pas sur leur notoriété. Même si il a travaillé pour Sylvie Vartan, Rock Voisine ou Francis Cabrel il se fiche de votre nom ou de votre fortune. Si vous ne lui plaisez pas …

Entrez dans sa boutique, vous comprendrez pourquoi. Si il ne vous sent pas, il ne prendra pas le travail. Car Bernard a ses têtes et aussi une grande gueule. Sa fille, la lumineuse Florence, qu’il adore et qui travaille avec lui,  lui a même décerné le titre du « plus grand raleur ».  Et pourtant Luc Besson l’a fait travailler sur « Jeanne d’arc » et Djamel Bensalah sur «Le Raid » – les sacs jaunes vous vous souvenez ?-; Gabriel du Rivau, décorateur de théâtre, sur quelques pièces dont « le passe-muraille », « la contrebasse » avec jacques Villeret. Et puis Bernard a eu quelques articles plus que prestigieux dans la presse, même une citation au « Gault et Millaut »…

Mais le mieux, sa meilleur publicité, c’est lui-même et son travail et le plus gros de ses clients se sont des gens comme vous et moi. Des gens qui ne veulent pas laisser Bernard partir à la retraite. Il en parle mais …. Plus les travaux sont variés plus Bernard s’amuse. Et Bernard, en plus d’énormément travailler, s’amuse. Il chante même en travaillant. On entend Reggiani ou Aznavour dans sa boutique.

Allez le découvrir avec sa moustache, son chapeau et ses yeux pétillants. Ses mains, noir de cirage, et toujours le mot pour rire.

Il y a de l’amour chez cet homme-là. Et de la passion.

Cordonnier ! Cela fait 25 ans maintenant ! Aujourd’hui Bernard peut se vanter d’être, outre sellier et maroquinier, aussi cordonnier ; même s’il a trop de respect de son art pour le faire.

Car Bernard Calbry est un vrai, pur, artisan en plus d’être un des derniers titi-parisien de notre capitale : un animal en voie de disparition !

 

 

Charlotte Walior